LA FAMILIA GRANDE DE CAMILLE KOUCHNER

FAMILIA GRANDE ou chronique d'un inceste
LA FAMILIA GRANDE AUX EDITIONS DU SEUIL

La Familia Grande ou la chronique d’un inceste tenu sous silence pendant plus de 30 ans : 2017, la morgue, le cimetière, l’adieu à Evelyne, cette mère tant aimée dont il a fallu vivre éloignée, pendant les 10 dernières années de sa vie, pour protéger ses petits enfants.

LA FAMILIA GRANDE : L’Eté à Sanary

Nous sommes dans les années 80. La famille Pisier/Duhamel émigre tous les étés à Sanary dans une grande propriété composée de 2 maisons : une qui héberge les adultes et une seconde réservée aux enfants. Les amis et leurs enfants sont les bienvenus. On se retrouve en famille avec Marie France la soeur aimée, entre intellectuels d’une gauche sociale, héritiers de mai 68. Il fait bon vivre dans cet espace au sein duquel la liberté de débattre, de rire, de s’amuser, est la règle de vie.

Evelyne Pisier-Duhamel
Olivier Duhamel
Marie France Pisier

Evelyne a quitté Bernard Kouchner et vit avec Olivier Duhamel, brillant intellectuel, séducteur, charmeur. Pour les trois enfants Kouchner, Olivier est le beau-père idéal. Après les absences de leur père, ses colères, ses emportements, son égoïsme, Olivier est un homme joyeux, aimant la fête, celui avec qui débattre, argumenter est non seulement possible mais constitue une règle d’or. Il est facile et bon de vivre avec lui. Bien sûr, la liberté prônée prend parfois des tours excessifs. Adultes et enfants sont nus à la piscine, sans filtre. On s’embrasse sur la bouche, adultes et enfants. Quelques caresses aussi épicent le quotidien. Olivier aime photographier : surtout les seins, les fesses… Il en fait des agrandissements qui sont affichés aux quatre coins des maisons.

Bernard Kouchner

LA FAMILIA GRANDE : L’Inceste

Mais un soir, tout bascule. Victor, le frère jumeau de Camille, lui confie qu’au coucher, Olivier vient dans sa chambre, l’embrasse, le caresse et l’initie aux fellations. Victor voudrait que cela cesse et demande de l’aide à sa sœur. Mais, surtout, ne pas en parler à leur mère, il a trop honte. Et c’est ainsi que le silence s’installe. Plus rien ne sera jamais pareil. On sait mais on ne dit mot. Victor est malheureux, Camille le soutient, partage sa peine et sa souffrance. L’inceste dure 2, 3 ans.

Avec le silence s’installe le sentiment de culpabilité : pour Victor, avoir accepté l’inacceptable, pour Camille n’avoir pas dénoncé le violeur.

LA FAMILIA GRANDE : L’Avis d’Annie

La première partie du livre nous restitue cette atmosphère post soixante- huitarde au sein de laquelle la liberté sous toutes ses formes est la valeur phare. Les soeurs Pisier, Evelyne et Marie France, sont élevées par leur mère Paula dans le culte de cette liberté bâtie avant tout sur la réussite intellectuelle. Paula est une intellectuelle et ces deux filles, à son exemple, feront aussi des brillantes études supérieures. Evelyne ne s’insurge donc pas du côté licencieux de leur mode de vie à Sanary. Libre et féministe, elle assume. N’a-t-elle pas été à 20 ans la maîtresse de Fidel Castro ?

La Famila Grande

La seconde partie du témoignage est bien plus sombre. Les enfants paient le prix de cette liberté. A chaque étape de leur vie, examen, mariage, naissance, le passé trouble est présent. Ils refusent d’ approcher cet homme qui vit toujours avec leur mère. Comment laisser leurs enfants avec Evelyne sans craindre qu’il ne récidive avec l’un d’entre eux.

LA DECISION

En 2008, la décision est prise. Ils racontent l’impensable à leur mère, à la famille, aux amis proches. Seule Marie France, leur tante, se montre horrifiée, bouleversée et prend le parti de les soutenir, de s’opposer à sa soeur qui ne veut rien entendre. Evelyne choisit son mari contre ses enfants, malgré les aveux d’Olivier. “Il n’y a pas eu sodomie, seulement fellation et il regrette ” dira t-elle. Les deux soeurs ne se parleront plus. Il n’y a pas que le silence de la famille, il y a aussi celui de cette gauche intello souvent qualifiée de sociétale. Ainsi, Elisabeth Guigou, (nouvellement nommée Présidente de la Commission sur l’Inceste), amie très proche d’Olivier Duhamel dira ne pas savoir… Pourtant, pendant deux étés elle fut l’invitée du couple, appartenant au premier cercle. Rien dans le mode de vie ne l’avait choquée. Pour Strauss-Khann, elle ne savait pas non plus !!! Et l’on comptait sur elle pour gérer la commission sur l’inceste ? Sa démission s’imposait.

LA CONFESSION

La principale qualité de ce livre est de nous décrire ce difficile parcours que vit la personne agressée, l’onde de choc sur ses proches, la destruction des liens familiaux. La victime ne peut oublier. Mais au delà de cette souffrance c’est toute la culpabilité qu’elle ressent et qui l’empêche de parler, de dénoncer. Pourquoi ne pas s’être opposé plus vivement, pourquoi avoir subi aussi longtemps ? Le prédateur sait exploiter ces sentiments. Il n’hésitera pas à qualifier Victor de pervers pour oser le dénoncer ! Camille nous décrit pas à pas les affres que Victor et elle subissent à chaque époque de leur vie jusqu’à l’ultime étape celle de la dénonciation, 32 ans plus tard….

Crédit Photos : Voici, Cultura creas, TF1, Lapresse.ca, Le Parisien

4 Comments

  • Sillinger dit :

    Cette histoire n’est pas exceptionnelle. Alertez vous tous car personne n’est à l’abri… Un enfant sur cinq est concerné
    Cette triste banalité est entretenue par le déni de notre société
    Une vérité si horrible pour laquelle la prescription est inacceptable
    Débattre sur ce sujet c’est s’imaginer qu’un prédateur sexuel s’arrête de consommer des proies faciles et silencieuse plongées dans la honte.

    Avec la torture physique et la sidération des enfants ,c’est une torture mentale suicidaire pour les victimes
    C est l’absence de définition d être une victime, de reconnaître la culpabilité de l’adulte qui est est un débat contre nature et qui pousse au silence et à la destruction de la victime et de tous ses proches

    Seule la France admet cette prescription pourtant pour d’autres crimes contre l’humanité et certains délits bien moins ravageur… Il n’y a pas prescription.

    Notre société bien-pensante veut raisonner avec des arguments inappropriés en pensant que cela n’arrive qu’aux autres… Réveillez-vous, un enfant sur cinq c’est peut-être le vôtre, son copain , son voisin
    Alors nous sommes tous coupable de ne pas vouloir regarder la vérité quand elle nous frôle

    • annie dit :

      Chère Hélène, je conçois combien cette histoire peut avoir d’écho pour toi et en lisant ce livre j’ai beaucoup pensé à ta propre histoire. Tu as toute mon amitié et ma compréhension et je voudrais tellement pouvoir t’aider. Je t’embrasse bien fort.

  • Godec dit :

    Oui j’ai suivi hier soir l’émission “La Grande Librairie ” qui concernait ce livre.

  • Dominique Barraillé dit :

    Troublant ces affaires d’inceste, où souvent la victime n’est en rien reconnue et où le coupable arrive à se faire passer pour la victime!
    Nous devons lutter à chaque instant pour que les langues se délient et que ces enfants considérés comme des objets apprennent à se défendre et surtout prennent conscience qu’ils ne sont pas fautifs, au contraire. Plus la société dévoilera ces crimes, oui je dis bien crimes, car même si la victime ne meurt pas réellement, elle reste blessée et amoindrie toute sa vie ; marquée au fer rouge et craintive du regard des autres! Plus cette société condamnera et plus vite les enfants auront un semblant de reconstruction.
    Ce livre est interessant car montre le côté caché et la douleur extrême subie à chaque tournant de la vie.

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